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Parquet européen et justice pénale spécialisée : peu de modifications par le Sénat en matière de justice environnementale

Environnement & qualité - Environnement
26/02/2020
Lors de sa séance publique du 25 février 2020, le Sénat a examiné en première lecture le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée. Que faut-il retenir de cette lecture au Sénat sur la partie Environnement ?
Pour la ministre de la Justice, « Le projet de loi hisse (…) notre organisation judiciaire à la hauteur des atteintes de nos concitoyens en matière environnementale ».
 
Ce projet de loi prévoit de mettre en place une justice pour l'environnement à trois niveaux :
  • une justice de proximité pour les affaires qui concernent la vie quotidienne des Français (comme les décharges sauvages ou la pollution visuelle ou sonore), jugées par les tribunaux judiciaires dans chaque département ;
  • une juridiction spécialisée par ressort de cour d'appel pour les atteintes graves ou la mise en péril de l'environnement : elle jugera les atteintes aux espaces protégés ou les manquements aux règles sur les substances dangereuses par exemple ;
  • des pôles nationaux, déjà existants, spécialisés dans l'environnement et la santé publique, à Paris et à Marseille, qui couvrent toute la France, pour les risques naturels majeurs (accidents nucléaires ou industriels comme celui de Lubrizol).
 
Avec un nouvel instrument, ou plutôt une nouvelle déclinaison d’un outil déjà existant : la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Pour Nicole Belloubet, « Il ne doit plus être comparativement « rentable » pour une entreprise de manquer aux obligations en la matière ». Cette CJIP « responsabilisera et mobilisera les entreprises sur les enjeux écologiques au lieu de se focaliser sur la recherche de la responsabilité pénale des dirigeants ». Et pour les particuliers commettant de petites infractions, les travaux d'intérêt général (TIG) « verts » seront encouragés.
 
« La CJIP sera un instrument très puissant pour réprimer les infractions au Code de l'environnement. C'est aussi un outil de prévention », souligne le rapporteur au Sénat, Philippe Bonnecarrère.
 
Certains sénateurs comme Jacques Bigot sont plus réservés : « En ce qui concerne la convention judiciaire en matière écologique, dans le cas d'atteintes à l'environnement, comment évaluera-t-on le montant des préjudices ? Cela n'a rien à voir avec la matière fiscale, où il s'agit de récupérer les sommes manquantes au profit de l'État. Cette partie du texte n'est pas aboutie ».
 
Rappelons que ce projet de comporte trois volets :
  • adaptation de la législation française à la création du Parquet européen ;
  • renforcement de l'efficacité de la justice pénale spécialisée, notamment en créant un pôle spécialisé dans le contentieux environnemental dans le ressort de chaque cour d'appel ;
  • introduction d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports publics pour les personnes y ayant commis des infractions graves – disposition qui avait été considérée comme un « cavalier législatif » lors de l’examen de la loi LOM.
 
En commission des lois, deux amendements déposés par Philippe Bonnecarrère sur l’article 8 avaient été adoptés :  
En séance, voici les modifications adoptées sur ou après l’article 8 :
  • une nouvelle rédaction de l’article L. 173 1 du Code de l’environnement relatif au délit d'exploiter une installation ou un ouvrage dont l'exploitation ou les travaux ont cessé, en violation d'une mise en demeure de remise en état (TA Sénat n° 336, 2019-2020, amendement n° 24 rect.) ;
  • l’immobilisation du navire qui a jeté ses eaux de ballast chargées d’organismes nuisibles et pathogènes dans les eaux territoriales et intérieures françaises, dans l’attente du paiement d’un cautionnement garantissant le paiement des amendes et la réparation des dommages (TA Sénat n° 336, 2019-2020, amendement n° 51).

Prochaine étape pour ce texte, le 3 mars 2020, avec le scrutin solennel. Ensuite, le texte sera examiné par l’Assemblée nationale, où il pourrait bouger sur cette partie Environnement : « Nous devons réfléchir davantage à l'aggravation des sanctions – j'ai vu les nombreux amendements d'appel sur ce point : la navette y pourvoira », indique ainsi la ministre de la Justice.
 
Source : Actualités du droit