Quand la clause résolutoire ne peut pas jouer : enseignements d’un arrêt du 8 juin 2023
La clause résolutoire en bail commercial s’applique de manière stricte. Elle met fin automatiquement au contrat si le locataire manque à une obligation expressément visée par la clause. Un arrêt du 8 juin 2023 rappelle ce principe à propos d’un litige mêlant commandement de payer et occupation au-delà des limites contractuelles.
Rappel du cadre légal
L’article L. 145-41 du Code de commerce prévoit qu’une clause résolutoire ne produit effet qu’un mois après un commandement resté infructueux. Surtout, elle ne peut sanctionner que le manquement pour lequel elle est prévue. Le texte impose donc une lecture précise du bail et de la mise en demeure.
Dans l’affaire commentée, la bailleresse a délivré le 5 septembre 2016 un commandement visant la clause résolutoire pour des loyers et charges impayés. Dans le même acte, elle a sommé la locataire de libérer des surfaces engazonnées situées à l’est du bâtiment, occupées au-delà de la limite convenue. La locataire a contesté le commandement et la sommation. Le bailleur a, à titre reconventionnel, demandé le bénéfice de la clause résolutoire.
Par arrêt du 15 novembre 2021, la cour d’appel a prononcé la résiliation du bail, l’expulsion et une indemnité d’occupation. Elle a relevé que, même si les sommes dues avaient été réglées, la locataire ne s’était pas conformée aux limites d’occupation prévues au bail.
La décision de cassation
La Cour de cassation casse cette décision le 8 juin 2023. Elle affirme que « la résiliation de plein droit du bail prévue par l’article L. 145-41 ne peut sanctionner qu’un manquement pour lequel la mise en œuvre de la clause résolutoire est prévue ». En l’espèce, la clause prévoyait la résiliation automatique pour le défaut de paiement d’un terme ou l’inexécution d’une charge ou condition expressément visée. L’occupation illicite, non énoncée comme cause autonome de résiliation automatique, ne pouvait pas déclencher la clause.
Ce rappel s’inscrit dans une ligne constante : Cass. 3e civ., 8 déc. 2010, n° 09-16.939, et plusieurs arrêts d’appel (Toulouse, 18 déc. 2013, n° 12/02997 ; Paris, 4 déc. 2014, n° 13/06397 ; Aix-en-Provence, 11 mars 2021, n° 19/02918). L’interprétation de la clause résolutoire est restrictive.
Enseignements pratiques
Pour les bailleurs : soigner la rédaction. Il est utile d’identifier les obligations essentielles du preneur et de les viser explicitement comme causes de résiliation automatique (paiement, interdiction de sous-location, respect de la destination, limites d’occupation, etc.). À défaut, il reste possible d’agir en justice sur le terrain de la résiliation judiciaire pour manquement grave, mais sans l’effet automatique de la clause.
Pour les locataires : la clause résolutoire ne peut être actionnée qu’en cas de manquement prévu par la clause et après un commandement régulier. La régularisation des sommes dues dans le délai légal neutralise l’effet automatique lorsqu’il s’agit d’impayés. En revanche, un manquement non visé par la clause peut toujours fonder une action judiciaire, avec examen contradictoire de sa gravité.
En conclusion, l’arrêt du 8 juin 2023 confirme une exigence de précision et de proportion dans l’usage de la clause résolutoire. L’outil demeure puissant, mais son déclenchement suppose une rédaction claire et une cohérence stricte entre le commandement, le texte du bail et le manquement invoqué.