Fixation du prix de vente : un pouvoir qui échappe au juge
Dans le cadre d’une cession de fonds de commerce, un différend entre les parties concernant le prix à appliquer ne peut être tranché par le juge en substituant sa propre évaluation. La Cour de cassation rappelle fermement cette règle dans un arrêt du 13 mars 2024 (Cass. com. 13-3-2024 n° 22-15.309 F-D).
Les faits sont les suivants : en 2015, une vente est conclue pour un montant correspondant à 80 % du chiffre d’affaires annuel, après déduction de certains postes. L’acte prévoit que, en cas de désaccord, les parties devront faire appel à un tiers évaluateur, celui-ci pouvant être désigné par le président du tribunal de commerce.
Un premier désaccord survient sur le chiffre d’affaires de référence. Un tiers est désigné et procède à l’évaluation. Un nouveau désaccord naît ensuite, portant sur les retraitements à appliquer à ce chiffre. Le cédant saisit alors le tribunal de commerce pour faire fixer le prix de la vente. Le tribunal, suivi par la cour d’appel, évalue les éléments litigieux, les soustrait au chiffre d’affaires et arrête le prix de cession.
La Cour de cassation censure cette démarche : le juge ne peut intervenir pour fixer un prix lorsque les parties sont en désaccord sur les éléments constitutifs de celui-ci. Les articles 1591 et 1592 du Code civil imposent que le prix de vente soit déterminé ou déterminable selon les modalités convenues entre les parties, ou confié à l’estimation d’un tiers. En aucun cas le juge ne peut se substituer aux parties pour imposer une méthode ou un montant.
Cette position est constante. Elle avait déjà été affirmée notamment en 1979, 1992, 1998 ou encore en 2000. Le juge ne peut pas désigner un expert judiciaire pour chiffrer le prix s’il n’existe aucun élément objectif de détermination ou d’accord entre les cocontractants. Il ne peut pas non plus imposer une méthode d’évaluation qui n’a pas été prévue dans l’acte de vente.
Cette jurisprudence rappelle un principe fondamental : le prix est l’affaire des parties. Le juge ne joue qu’un rôle subsidiaire dans le respect de l’ordre public contractuel, et non dans la reconstitution d’un accord inexistant.