Retour aux articles

Autorisation environnementale : l’enquête publique bientôt remplacée par une simple consultation du public ?

Environnement & qualité - Environnement
Public - Environnement
07/10/2020
L’actuel article L.181-9 du code de l’environnement expose les trois phases de l’instruction d’une demande d’autorisation environnementale que sont la phase d’examen, la phase d’enquête publique et la phase de décision. Le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) en discussion prévoit de modifier cet article pour substituer à la phase d’enquête publique une phase de consultation du public (art. 25 du projet de loi).
La phase de consultation du public prendrait ainsi la forme d’une enquête publique uniquement dans les cas suivants :
- lorsque celle-ci est requise en application du I de l’article L. 123-2 du code de l’environnement (projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une évaluation environnementale à l’exclusion des exceptions prévues par ledit article) ;
- lorsque l’autorité qui organise la consultation estime, pour le projet concerné, qu’une enquête publique doit être organisée, en fonction de ses impacts sur l’environnement ainsi que des enjeux socio‑économiques qui s’y attachent ou de ses impacts sur l’aménagement du territoire.

Dans tous les autres cas, aucune enquête publique ne serait requise puisque la consultation du public répondrait aux exigences de l’article L. 123-19 du code de l’environnement, à savoir une participation du public par simple voie électronique.
 
Si les bénéfices en termes d’accélération et de simplification des procédures ne semblent pas contestables, il paraît cependant légitime de s’interroger, à l'instar de nombreux spécialistes, sur les risques d’une telle substitution en matière de protection de l’environnement. Une telle disposition ne viendrait-elle pas contredire de plein fouet le principe de non-régression inscrit à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, principe selon lequel « la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment » ?
De même, le principe de participation du public, à valeur constitutionnelle (Charte de l’environnement, art. 7), et défini par le même article L. 110-1 comme la possibilité pour toute personne d’être « informée des projets de décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement dans des conditions lui permettant de formuler ses observations, qui sont prises en considération par l'autorité compétente » ne serait-il pas remis en cause ?
 
Notons également que ledit projet de loi prévoit la possibilité dérogatoire d’une exécution anticipée de travaux, avant délivrance de l’autorisation environnementale contrairement à ce que prévoit aujourd’hui l’article L. 181-30 du code de l’environnement : « Les permis et les décisions de non-opposition à déclaration préalable requis en application des articles L. 421-1 à L. 421-4 du code de l'urbanisme ne peuvent pas recevoir exécution avant la délivrance de l'autorisation environnementale régie par le présent titre. »
 
De telles modifications auraient un impact non négligeable, d’une part, en remettant en cause l’efficacité du droit à protéger l’environnement (quid de la consistance réelle du principe de non-régression ?), d’autre part, en reléguant la préservation de l’environnement et le droit à la participation du public en matière de projets ayant un impact sur l’environnement au second plan face à la nécessité de simplifier et d’accélérer les procédures.
 
Un amendement présenté par plusieurs députés et, par ailleurs, adopté a bien tenté de supprimer cet article mais une seconde délibération à l’initiative du Gouvernement a procédé à son rétablissement.
Ces dispositions sont désormais dans les mains du Conseil constitutionnel, saisi par plus de 60 députés sur le texte issu de la commission mixte paritaire et définitivement adopté le 28 octobre dernier. Saisis le 3 novembre, les juges constitutionnels doivent se prononcer d’ici un mois.
Source : Actualités du droit